jueves, 17 de diciembre de 2009

La Négritude

Dès 1921 le Guyanais René Maran lance un cri comme un tonnerre avec Batoula, roman qui dénonce les illusions civilisatrices de la colonisation et s’insurge, surtout, contre l’idée que la colonisation entraîne nécessairement un progrès dans l’ordre de la civilisation, dénonciation qui fit scandale. Couronée par le Goncourt, ce roman causera des sanctions administratives contre son auteur. Voilà un premier cris, mais à Paris jaillisent plusieurs cris d’étudiants noirs comme Aimé Césaire, Léopold Sedar Senghor, Léon Damas et Ousmane Socé qui fondent le journal L’Étudiant noir, en 1932 ; on entend leurs cris de bataille, leurs cris contre la colonisation, les cris d’une négritude qui voit le jour...


Examinons d’abord le Discours sur le colonialisme, afin de donner une base pour formuler la question de la négritude, ensuite j’analyserai des poèmes des auteurs de la négritude et j’expliquerai qui sont les contempteurs et qu’est-ce qu’ils disent à propos.

Avec son Discours sur le colonialisme, Aimé Césaire montre qu’il y a incompatibilité totale entre civilisation et colonisation. Césaire déclare que rien de bon ne peut sortir du colonialisme, puisque la colonisation n’est pas ce qu’elle pretend être :

« ni évangélisation, ni entreprise philantropique, ni volonter de reculer les frontières de l’ignorance, de la maladie, de la tyrannie, ni élargissement de Dieu, ni extensiuon du Droit ».

Au contraire, la civilisation est ce qu’elle refuse d’être, la satisfaction d’înterets cupides, la satisfaction d’âmes mercenaires avides de posseder. Or, le colonialisme, explique Césaire, est la stratégie des civilisations pour satisfaire ses cupidités ; mais si bien les conquistadores ne cachaient pas leurs bas desseins, à l’époque des empires récents le colonialisme est accompagné d’hypocrisie. Pour mieux étayer ses arguments, Césaire convoque l’histoire : Cortez à Mexico, Pizarro devant Cuzco. On lit par la suite que le pédantisme chrétien posa les équations malhonnêtes : christiannisme = civilisation ; paganisme = sauvegerie. On connait alors les « abominables conséquences colonialistes et racistes, dont les victimes, explique Césaire, devaient être les Indiens, les Jaunes, les Noires ».

Par ailleurs, on lit que mettre en contact des civilisations différentes peut être une bonne chose. L’Europe en offre un exemple, c’est un carrefour, lieu « géometrique de toutes les idées, le réceptacle de toutes les philosophies ». Néanmoins dans un entretient avec Françoise Vergès, Césaire analyse le colonialisme comme une « maladie d’Europe ». Il rappelle que l’ Europe s’est persuadée qu’elle aportait un bienfait aux Africains, mais la civilisation européenne n’avait pas appris à dominer son désir de conquérir et d’assujettir. Cesaire compare le nazisme avec le colonialisme, il affirme que l’ Europe, avant d’être la victime du nazisme, elle en a été le complice. Ce sont des thèses très controversées, mais qui peuvent être soutenues du fait que le colonialisme est comparé au nazisme comme la barbarie suprême. Or, d’après cette comparaison on peut interpreter que le colonialisme est un nazisme appliqué aux peuples non européens. Par la suite, dans ce discours, Césaire conclue que la colonisation n’a pas engendré aucune valeur humaine, puisque « le racisme et le colonialisme avaient tendu a transformer le nêgre en chose ». Cette dernière idée on peut la lire dans un autre discours de Césaire prononcé lors du Premier Festival Mondial des Arts Nègres qui se tint à Dakar du 30 mars au 7 avril 1966. Aimé Césaire répondit au discours d’ouverture prononcé par André Malraux lors du colloque sur « l’art dans la vie du peuple ». Dans le discours prononcé par Césaire on entend le mots suivants : « Sauver l’art, c’est en définitive sauver l’homme moderne en repersonnalisant l’homme et en revitalisant la nature ». À partir de ce disocurs j’expliquerai pourquoi s’est formé le mouvement de la Négritude et quel est sa postulation.

Césaire explique que le racisme c’est la non-communication et la chosification de l’autre. Le nègre ou le juif ont été une caricature à valeur absolu. Tout en devenanat visible, la litterature et la poesie de la négritude accéda à l’existence pour « deranger l’image que l’homme blanc se faisait de l’homme noir ». C’est clair que la négritude, pour Césaire, a contribué à l’edification d’un véritable humanisme qui doit être universel et doit établir des dialogues. Or, il ne se peut pas établir un dialogue entre un homme et une caricature. Un des mérites de la litterature de la négritude c’est donc d’avoir établi un dialogue entre l’homme blanc et l’homme noir. On verrra néanmoins que cette litterature en a été non seulement une litterature de combat : « une machine de guerre contre le racisme et le colonialisme », mais aussi, une postulation de la fraternité.

Dès 1937, deux ans avant le Cahier du retour au pays natal, Damas dénonce dans Pigments le principes de l’assimilation et les effets de l’acculturation. C’est un florilège où l’on peut lire le poème Solde dont le titre donne le ton du discours : une solde c’est une marchandise vendue au rabais, à vil prix. Voilà le poème :



Pour Aimé Césaire



J'ai l'impression d'être ridicule

dans leurs souliers

dans leurs smoking

dans leur plastron

dans leur faux-col

dans leur monocle

dans leur melon



J'ai l'impression d'être ridicule

avec mes orteils qui ne sont pas faits

pour transpirer du matin jusqu'au soir qui déshabille

avec l'emmaillotage qui m'affaiblit les membres

et enlève à mon corps sa beauté de cache-sexe



J'ai l'impression d'être ridicule

avec mon cou en cheminée d'usine

avec ces maux de tête qui cessent

chaque fois que je salue quelqu'un



J'ai l'impression d'être ridicule

dans leurs salons

dans leurs manières

dans leurs courbettes

dans leur multiple besoin de singeries



J'ai l'impression d'être ridicule

avec tout ce qu'ils racontent

jusqu'à ce qu'ils vous servent l'après-midi

un peu d'eau chaude

et des gâteaux enrhumés



J'ai l'impression d'être ridicule

avec les théories qu'ils assaisonnent

au goût de leurs besoins

de leurs passions

de leurs instincts ouverts la nuit

en forme de paillasson



J'ai l'impression d'être ridicule

parmi eux complice

parmi eux souteneur

parmi eux égorgeur

les mains effroyablement rouges

du sang de leur ci-vi-li-sa-tion



(Léon-Gontran Damas, Pigments. Névralgies, 1972, éd. Présence Africaine



Pensons le mot ton dans un sens littéraire, c’est à dire une manière de parler et de se comporter en societé ; une manière d’être quant aux convenances. Et les convenances signifie le fait de se conformer aux usages d’une civilisation qu’impose. C’est ce que Damas dénonce. On sait que dès sa petite enfance, la mère de Damas voulut effacer en lui toute trace de sang nègre, elle voulut qu’il se comporta de manière à être en accord avec l’administration coloniale. Damas nous fait connaître son assujettissement à une civilisation. Examinons donc un peu la structure du poème.

Toutes les strophes du poème commençent avec « j’ai l’impression d’être ridicule ». L’anaphore donne plus d’intensité à l’expression du ridicule, voire au sentiment du ridicule. C’est aussi une mnémotechnique. Dans les trois premières strophes le sens est clair : le poète se sent ridicule avec les vêtements européens, il les refuse, il se sent insignifiant, denué de bon sens, deraciné. Par la suite on lit que le poète se sent ridicule dans le salons, endroits precieux où il ne faut surtout pas être ridicule, puisqu’il y a aux salons une bienséance, une manière d’être, « un multiple besoin de singeries » dit notre poète sur un ton aigrelet et persiflant. Après les salons apparaissent les conventions sociales occidentales. Le poète est gênè par les révérences qui sont du servilisme. La révérence signifie s’humillier et surtout offrir l’humilliation propre, c’est une ordonnance et non un dessein de gratitude, c’est plutôt un chatiment.

Mais le poète sait aussi ironiser et il décoche des brocards en disant « eau chaude », une métaphore absente pour parler du thé et « gâteaux enrhumés ». Il dénonce en faisant des allégories ingénieuses, il parle d’une cuisine intellectuelle. Aux salons on parle et on ajoute de l’agrément, du piquant aux discours. On veut que l’autre assimile, qu’il nie son autonomie, c’est à dire, qu’il nie sa « specifité, ses formes institutionnelles, son propre idéal »

« J'ai l'impression d'être ridicule

parmi eux complice

parmi eux souteneur

parmi eux égorgeur

les mains effroyablement rouges

du sang de leur ci-vi-li-sa-tion »

Les derniers vers du poème montrent une gradation. D’abord, le poéte, il est complice, il favorise donc l’accomplissement du colonialisme; ensuite on lit souteneur, c’est dire partisan, défenseur ; après on lit égorgeur. Le poète se rend compte qu’accepter l’assimilisation c’est devenir meurtre, criminel, assassin.

Durant le colloque sur la Négritude du 12 au 18 avril 1971, à Dakar, Léopold-Sédar Senghor ouvrit en faisant un discours sur la « problématique de la négritude ». Ìl écrit que chaque génération doit dépasser la Négritude de ses dévanciers. Mais il doit le faire en approfondissant et en enrichissant sans renier. Dans son discours, Senghor fait apparaître Tchicaya U Tam, un poète qui répond à la question qu’est-ce que la Négritude ? en disant : « La Négritude est une affaire de géneration et d’école aussi ». Ce poète ne renie pas la Négritude, il veut y apporter sa contribution, librement. Par la suite on lit qu’il n’ya pas opposition entre la Négritude et l « ’Africain Personality ». Le débat n’est pas entre négritude et tigritude, mais est entre les hommes de culture et les hommes de politique, comme l’a prouvé le Festival panafricain d’Alger. Ce discours peut nous faire penser a plusieuirs questions. D’abord, quel est le devoir de chaque géneration d’écrivains ? Dépasser sans renier, on peut répondre. Ce qui nous laisse penser que la négritude est un affaire de génerations et surtout un mouvement homogénéisateur pour l’âme noire. On pose alors une autre question : comment se pose la problématique de la Négritude après leurs esthètes initiateurs ?.

Pour répondre il faut collationner les textes comme celui du congolais Jean Baptiste Tati-Loutard et celui de Stanislas Adotevi. Le premier, dans une postface à ses « Poèmes de la mer » étudie « la poésie nègre et le Retour aux sources » ; il affirme de même que le monde noir apparaît beaucoup moins homogène que le veulent certains théoriciens de la Négritude.

Le texte à étudier s’articule autour de trois idées principales. Il nous explique d’abord que raison et émotion existent chez tout homme. Pourquoi alors penser que l’homme noir réclame une émotion toute particulière ? , une émotion qui fera de lui un mystique et non un homme comme les autres. Par ailleurs, il contredit Senghor lorsqu’il explique que l’âme noir appartient aussi à d’autres civilisations et la « recherche d’une âme noire immuable es une recherche perdue ».Une autre idée dans ce texte nous dit que l’ensemble de caractères innés chez une personne, chez un écrivain complexe psychophysiologique qui détermine ses comportements échappent aux donnés de l’hérédité raciale et aux conditions historiques et sociales. Il ne faut surttout pas étudier son oeuvre à travers le prisme d’une synthèse au troisième ou au quatrième degré. « C’est là, explique notre auteur, l’inanité de la critique littéraire de Senghor selon le concept de la Négritude ». Finalement, Tati-Loutard conclue que chaque peuple met l’accent sur un aspect particulier de la nature humaine par le quel il appréhende le monde. « Mais il n’y a là rien d’immuable ; il n’ya rien de définitif avec les hommes »

Dans une oeuvre titulée négritude et négrologues, Stanislas Adotevi étudie dans le premier chapitre la naissance du mythe de la négritude. Comme il s’interesse à la nature du nègre, il examine le texte célèbre de Senghor : « Le nègre est l’homme de la nature » où se trouve la phrase : « La raison blanche est analytique par utilisation ; la raison nègre intuitive par participation ». Sur un ton ironique, Adotevi veut contreacarrer la théorie de la négritude il expose que la négritude affirme de manière abstraite une fraternité abstraite des nègres. Il dit que cette thèse fixiste procède de la fantaisie.Adotevi critique la théorie de la négritude surtout parce qu’elle est homogénéisatrice pour tous les nègres ; cette théorie fait du nègre une espèce particulière étrangère à toute détermination, extérieure à toute histoire. Elle explique aussi que le nègre est d’une essence rigide que ne peuvent atteindre ni le temps ni le lieu. Or ces postulats sont démentis par la realité : les problèmes des Noirs changent avec les nations auxquelles ils appartiennent.

Ce mouvement d’intellectuels nègres acceda a l’existence pour déranger l’image que l’homme blanc avait de l’homme noir, ce fut une litterature de bataille et de combat, litterature contestataire et révolutionnaire. Les auteurs de la Négritude poussaient des cris pour faire face à l’autorité coloniale, pour avoir un statut d’homme. Les contempteurs de ce mouvement critiquent les thèses qui soutiennent une fraternité des nègres, les thèses qui font l’âme noire immuable ; mais si l’on lit bien Césaire, on se rend compte que la fraternité est une postulation de la négritude, mais la fraternité de tous les hommes. La Négritude était un mouvement certes de bataille, mais avec un objectif humaniste. Avec ses thèses pleine de confiance sur elles mêmes, mais détachées du cri contestataire de l’opprimé, je ne crois pas que les critiques puissent troubler ce mouvement illustre.

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